jeudi 3 avril 2008

Sortie du monde idyllique...

... et (dur) retour à la réalité !

Je suis un peu moins sous le coup de l'émotion maintenant, j'en ai pas mal parlé... Ce que je vais dire va donc, je l'espère, être assez objectif et clair.

Ce matin, nous sommes allées, en tant que membres d'Amnesty International, à un rassemblement devant le Tribunal Constitutionnel de Santiago.

Le thème ? la contraception au Chili.

Il faut savoir que sur ce plan, le Chili "pays développé, à l'économie et au système politique stables", est plus qu'en retard. L'avortement est illégal, et les moyens de contraceptions très peu développés...
Michelle Bachelet en arrivant au pouvoir, a fait voté une loi pour autoriser la pilule du lendemain, et pour " démocratiser" l'accès à la contraception. La pilule du lendemain a été autorisée à la vente en pharmacies en janvier 2007... Mais voilà, 3 groupes de pharmacies (on n'est pas en france, les pharmacies sont réparties en plusieurs groupes commerciaux) ont refusé de vendre la pilule, deux d'entre eux prétextant qu'il est difficile de se la procurer au Chili, le troisième, dont le gérant est membre de l'Opus Dei (salco brand pour ceux qui sont au Chili, évitez d'y aller !), l'a fait pour ses croyances religieuses.
Et voilà que sous la pression de ce groupe, des milieux conservateurs et de l'Eglise Catholique (très très influente), un recours est déposé devant le Tribunal constitutionnel (dernier recours) pour déclarer inconstitutionnelle la loi de Michelle bachelet autorisant ces contraceptifs, et interdire la vente de la pilule du lendemain, mais aussi, du même coup, autant en profiter, pour interdire la pilule classique et le stérilet... quitte à revenir en arrière, autant le faire dans les règles de l'art n'est-ce pas ?
Ce qu'il faut préciser, c'est que l'avortement étant interdit, supprimer la pilule multiplierait par cinq (!!!) le nombre de morts dues à un avortement illégal (étude de l'OXFAM et d'un autre organisme)

Outrés par cette mesure (combat d'il y a quarante ans en France ! on ne se rend pas bien compte...), les membres d'Amnesty ont donc décidé d'agir et de participer au rassemblement assez spontané prévu hier pour aujourd'hui devant le Tribunal Constitutionnel.

En arrivant sur les lieux, nous voyons un groupe de personnes, une centaine au maximum, pour la majorité des femmes et des journalistes, criant des slogans pour lutter contre cette dérive... le tout très pacifiquement.
A peine cinq minutes plus tard, un "tank" avec canon à "eau" est arrivé et s'est mis à disperser les manifestants, tout simplement ! Pourquoi "eau" entre guillemets ? Parce que l'eau contenait des gaz lacrymogènes et un produit qui brule la peau !
Et oui, ici, face à un rassemblement spontané de femmes et de journalistes pacifiques, réunis pour soutenir la contraception (en accord avec les idées du gouvernement puisque la ministre de la santé s'est dite "très préoccupée" par la possible interdiction de la pilule par le tribunal constitutionnel), le premier moyen utilisé pour disperser les manifestants n'est pas le dialogue, ni même des CRS... mais directement les grands moyens : de l'eau contaminée !

J'ai été absolument choquée... j'ai participé à beaucoup de manifs en France, j'ai parfois vu de la répression, j'ai parfois vu de la violence... mais ça ! Jamais !!!!!! Je n'arrive pas à exprimer ce que j'ai ressenti. Les moyens étaient totalement disproportionnés... et une telle violence !
Quant aux produits chimiques dans l'eau, ce fut ma première expérience de ce type... et je peux vous dire que c'est fort désagréable ! Une sensation de brulûre, nous avions la peau noire...

Rassurez-vous, je vais bien maintenant !
Mais je suis encore choquée et complètement indignée. Peut-on parler de démocratie quand de telles choses se produisent ? Où les gens trouvent le courage de continuer à manifester dans de telles conditions ? Comment s'exprimer ? Comment dire tout simplement ce que l'on pense ?

Mon plus grand respect à tous les gens qui continuent d'exprimer ce qu'ils pensent dans la répression... car ce que j'ai vécu là est minime. Il y a grand nombre de pays dans lesquels la situation est pire... Une grande pensée donc à tous ces gens... et aux organisations qui luttent pour la liberté.
Il est regretable de se dire qu'Amnesty est bien utile, et que ce type d'organisation a encore du pain sur la planche... mais comment avancer si on ne peux pas s'exprimer librement et pacifiquement ?

Je ne suis pas féministe, je ne suis pas choquée par un rien, ce n'était pas ma première manif, et je ne crois pas être trop naïve... mais il est vrai que je viens de France, pays qui, bien qu'imparfait, offre un certain niveau de liberté. J'ai donc des idées dans ma petite tête, et je ne pensais pas que de telles actions puissent se voir et se vivre au Chili. J'ai vu la télé aussi, des images de guerre, des images de violence... mais le vivre ! même à petite échelle... ça fait réfléchir, croyez-moi !

Et en ce sens, l'expérience ne fut pas si mauvaise... même si un peu brutale.

J'espère que ça permettra à d'autres de réfléchir, de relativiser...et d'agir !

Message un peu long... mais ça me fait du bien d'en parler !
Pour rassurer la famille et les amis, ne vous inquiétez pas pour moi ! On va tous bien, en en discute, on est bien soutenu par Amnesty, et le choc passe... d'ailleurs je ne suis pas en destructuration mentale non plus ! Rien de dramatique, si ce n'est un dur retour à la réalité, le Chili n'est pas qu'un assamblage de paysages merveilleux !

Besos a todos !

2 commentaires:

Maëlle a dit…

ca c'est sur ( ce n'est pas qu'un assemblage de paysages) on en apprend de belles aussi a la ME. Beaucoup de paraitre... Enfin, on se voit demain. J'espere que tout va bien aujourd'hui

Solène a dit…

Hé bé.
merci pour les explications parce qu'ils en parlent aussi au boulot et j'avais pas tout compris...

Non mais y'a des trucs quand Même pff...