samedi 5 avril 2008

Climat de tension...

La lecture du message d'avant est indispensable à la compréhension de ce qui vient...

Voilà la suite des événements, à tête plus reposée.

Tout d'abord, la couverture médiatique... une catastrophe !
Certes, les journaux parlent de la suppression de la pilule, mais aucun d'entre eux n'évoque la violence et l'inutilité de la répression de la manifestation de jeudi... c'est quand même impressionnant ! Surtout vu la quantité de médias qui étaient présents. L'accès à l'information n'est pas facile, ce qui renforce le questionnement sur l'état de la démocratie chilienne.
Cette question des médias au Chili est assez préoccupante. Si je critique beaucoup les JT français, les chiliens sont bien pires ! Une ou deux informations politiques, traitées façon people, impossible de comprendre réellement ce qui se passe... puis après s'enchaînent des faits divers, des actus people, bref, c'est pas de l'information ! Presque rien sur l'étranger, ni même sur les pays voisins. Quand les médias parlent de répressions de manifestation, c'est uniquement quand il y a de la casse. Comme en France, et comme partout je pense, dans certaines manifs, il y a des gens qui n'ont rien à voir avec le thème qui s'infiltrent et s'attachent à casser des vitrines, à taper des gens... Les médias ici ne montrent souvent que ces aspects là des manifestations.
Cela, combiné avec la répression fréquente, dont j'ai fait les frais jeudi dernier, décourage totalement les chiliens de descendre dans la rue pour s'exprimer. Le but de la police (et des médias ?) de présenter les manifs comme des endroits dangereux fonctionne à merveille... même Anita, ma coloc, qui n'est pourtant pas conservatrice, d'une famille éduquée, etc, ne va JAMAIS manifester parce que "c'est trop dangereux" ! C'est dingue.... Les gens ne vont pas manifester parce qu'ils ont peur ! C'est quoi ça ?

Pour revenir au thème de la pilule...
Vendredi, les membres du Tribunal Constitutionnel ont fait une déclaration publique pour dévoiler le contenu de leur décision. Résultat : la pilule du lendemain est interdite de vente dans le système de santé public ! La loi du gouvernement actuel, qui démocratisait l'accès à la contraception, a donc été en partie déclarée inconstitutionnelle. Heureusement, le Tribunal n'a pas accepté la requête concernant l'interdiction du stérilet, ni de la pilule contraceptive "classique".
Après deux ans de lutte, le travail du gouvernement sur le sujet est en partie anéanti. Une partie de gouvernement, dont la ministre de la santé, ont répété leurs inquiétudes face à cette décision, et ont rappelé les graves conséquences que cela allait entraîné sur la santé des chiliennes... en particulier des jeunes et des pauvres, comme par hasard.
Car j'insiste sur ce point : la pilule est retirée du système public ! Ce qui fait que les riches, les milieux conservateurs qui ont fait la demande, peuvent continuer à l'acheter. Mais les femmes pauvres, les plus touchées par les grossesses indésirées, les viols (l'avortement en cas de viol n'est pas non plus autorisé) etc., n'y ont plus accès.

Le gouvernement a déclaré qu'il allait tenter un recours devant une instance internationale, mais cela prendra du temps, et la démarche n'aboutira pas forcément... en attendant, mieux vaut être riche.

J'ai été heureuse de voir que Le Monde a publié un article à ce sujet :
http://www.lemonde.fr/international/article/2008/04/05/les-chiliennes-privees-de-pilule-du-lendemain_1031322_3210.html#ens_id=1031478
Si le lien ne marche pas, mais que ça vous intéresse, vous pouvez me demander l'article par mail...

Enfin voilà... si le thème ne passe pas inaperçu, la répression, si ! Ironie de l'histoire, les "chars à eau" sont joliment appelés "guanacos"... vous vous souvenez, les beaux lamas de Patagonie ! je préfère sans hésiter le Guanaco fait de chair et d'os, que celui fait de ferraille et de produits chimiques... A Amnesty, nous avons reçu de nombreuses lettres de soutien de membres et de volontaires. L'idée est de réagir fortement contre cette répression. Au programme : un communiqué de presse relatant les faits, une lettre au ministère de l'intérieur dont dépendent directement les Carabineros (police), et une demande d'entretien avec le ministre, pour parler du problème. Je tiendrai au courant ceux que ça intéresse.

Ce blog n'avait pas vocation à prendre des allures militantes. L'idée était de vous faire voyager et de partager mes expériences... il se trouve que je me suis retrouvée au coeur de ce problème ! Ça fait donc partie de mon expérience... malheureusement d'un côté... et en même temps, ça ouvre vraiment l'esprit. Je me rends de plus en plus compte qu'en Europe, on vit sur un nuage. On a beau avoir l'impression de s'informer, d'avoir l'esprit ouvert, de "comprendre" ce qui nous entoure... on ne peut pas comprendre. La réalité quotidienne est tellement différente ici, et le Chili reste quand même une démocratie, même si elle est loin d'être parfaite ! L'état d'esprit des gens, les réactions de la police et de l'armée... les bases ne sont pas les mêmes ! Alors imaginez-vous dans une dictature... Non, vraiment, l'Europe est un endroit où il fait bon vivre, même s'il n'est pas parfait non plus et qu'il y a bonne dose de problème d'inégalités, de violence, de discrimination... Mais profitez, profitons ! Nous avons un cadre de vie assez exceptionnel. Il faut se rendre compte de la chance qu'on a !

Sur ce... bon weekend !

3 commentaires:

Julie d'Ailleurs a dit…

Hola Camicha, interessantes tes divagations déviantes à la ligne directrice du blog. J'en ai parlé avec mes collègues, qui traitant l'info alternative pour toute l'amérique latine m'ont dit que ce moyen de repression était chose courante. Du coup, ils me demandaient si la répression des manifs en france était dolce, puisque moins barbare !
Pues, c'est quand même une autre vision du pays qu'un stage en alliance francaise ! k esta bien...

Maëlle a dit…

L'Europe, c'est vaste quand même. OUi apapremment c'est chose trés courante ici, ces chars d'eau mais logiquement ils ne mettent pas de produits chimiques à ce que j'ai compris.. Le Chili est en transition, c'est dur, ca pese, ca s'essouffle, allez on se relève et on recommence....

Agnès a dit…

J'avais entendu quelques peripéties de cette histoire de pillule du lendemain quand j'y étais. De là à l'interdire pour de bon... j'imagine que vous devez tous être en rangs serrés à Amnesty, de pouvoir protester tous ensemble est une chance.
Une grande pensée pour vous